mercredi 15 septembre 2010

Le Baron du Canal

A l'occasion d'une vadrouille familiale sur le canal du midi, j'ai voulu écrire une petite histoire de la construction du canal pour mes enfants. Le génie de Pierre-Paul Riquet - qui n'était absolument pas du métier mais qui a su apprendre étonnement vite l'hydraulique et le génie civil -  a été de trouver la solution pour alimenter le canal en eau dans un Pays d'Oc plutôt sec : la Montagne Noire. Ce petit texte tente de faire partager cet éclair de génie aux plus jeunes ... et aux autres.

Le Baron du Canal
C’est l’histoire d’un baron de Béziers, appelons-le Pierre, ou Paul, ou les deux, qui rêvait de relier deux mers, l’Atlantique et la Méditerranée.








Non pas que ces mers furent fâchées entre elles – elles étaient tout bêtement séparées par les reliefs naturels, les buttes, les collines et les montagnes du Sud-Ouest/du pays d’Oc. Le baron rêvait de naviguer d’une mer à l’autre, de l’Atlantique à la Méditerranée, sans poser le pied à terre … et surtout sans se casser les os, mal assis dans une mauvaise calèche sur des chemins trop secs et caillouteux de Toulouse.


C’est l’histoire d’un baron de Béziers qui allait réaliser son rêve (du moins la moitié de son rêve entre Toulouse et la Méditerranée, car de l’autre côté, entre Toulouse et Bordeaux, il fallut attendre encore 200 ans). Mais fatigué par les travaux et usé par les critiques de ses adversaires les plus jaloux, il mourût six mois avant que le premier bateau ne flotte sur le Canal du Midi.

C’est une histoire qui commence plutôt bien, en 1663. Le baron monte à Versailles pour demander l’aide du roi. Louis XIV, plus occupé à organiser de somptueuses fêtes royales ou à envahir ses pays voisins sans prévenir, laisse à son ministre des finances le soin de suivre les faits et gestes de ce drôle de baron têtu et déterminé.

« Comme il faut bien monter puis descendre, ou l’inverse, comment allez-vous empêcher votre canal de se vider de toute son eau ? », demande le sévère ministre Colbert au baron.
Le baron se gratte la tête, demande qu’on le laisse réfléchir à cette grave question et dit qu’il donnera sa réponse à la prochaine lune, dans moins de trente jours.
« Le ministre a raison », se dit le baron, « comment assurer que le canal, qui doit bien monter et descendre à travers les buttes, les collines et les montagnes, aura chaque jour assez d’eau pour les navires chargés de passagers pressés, de tonneaux de vins fins, de lettres urgentes et de sacs de blés ? »

Le baron sait que l’on peut creuser les buttes et les collines les plus moles et les plus petites. Pour le reste « il faut bien monter ou descendre, et vice-versa ». Le baron connaît la technique des écluses. Mais le canal finira toujours par se vider de toute son eau si une grosse réserve ne vient le remplir toute l’année.

Turlupiné par la question du ministre et agacé de ne pas trouver la réponse, le baron s’en retourne dans ses terres natales de Béziers. Il est prêt à abandonner son projet lorsqu’il se frappe la main sur le front : « Eureka, j’ai trouvé ! Toute l’eau dont mon canal aura besoin, elle est là, elle m’attend dans les creux et les plis de … la Montagne Noire ! ».

Pour montrer son courage et sa détermination, le baron casse sa tire-lire. Il utilise une bonne partie de ses économies pour creuser une longue rigole reliant la Montagne Noire au futur canal. Le robinet de remplissage du canal est prêt. Impressionné par la rapidité des travaux, Colbert, le pourtant rigoureux ministre, accorde alors toute sa confiance au baron et peut convaincre le roi de financer le reste.

Au début tout va bien. Entre Toulouse et Trèbes le canal se creuse comme dans du beurre. Et les travaux avancent à grand pas, même si le baron veille au moindre détail. Comme par exemple ces écluses aux formes arrondies. « Quelle drôle d’idée » se disent les observateurs jaloux qui sont de plus en plus nombreux. Parfois les choses se compliquent. Le baron doit faire creuser des parties du canal … à l’explosif. Toute cette poudre brûlée par tonnes et par tonnes ! Le baron en fait brûler plus que pour une bataille tout entière ! Le ministre s’arrache les cheveux en voyant les factures s’accumuler et les pièces d’or lui filer entre les doigts. Les jaloux persiflent, critiquent et insultent le baron têtu et dépensier.

Mais à force de tranchées, d’écluses, de tunnels, de ponts, de déversoirs, d’épanchoirs et d’aqueducs, un long ruban d’eau de 240 km relie enfin Toulouse et Sète. Les premières gouttes de la Montagne Noire remplissent le Canal du Midi en 1681.

Des premières gouttes que le baron Pierre Paul Riquet ne verra jamais. Mais des premières gouttes qui feront la fortune de ses enfants et petits-enfants.

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